AIDER UN PROCHE QUI SOUFFRE
Article publié le 01 Juillet 2013
Par Sabrina Lomel – Psychologue Coordinatrice au Réseau Prévention Main IdF
Alors que certaines personnes parviennent à gérer leur douleur, d’autres sont submergées. Dans tous les cas, la gestion de la souffrance a un impact psychologique sur l’entourage. La famille vit la douleur du proche.
Dans quelle mesure pouvons- nous nous préserver de la douleur de l’être aimé sans avoir le sentiment de le lâcher en s’en détournant ? Comment préserver la dynamique familiale dans de telles circonstances ? Comment aider sans sombrer soi même ? Voici quelques outils pour vous aider à décoder ces changements et ainsi parvenir à trouver la juste place.
On observe fréquemment deux cas de figures :
Celui du patient qui veut épargner ses proches car, pense t-il, ils ne peuvent rien pour lui.
Ceci va entraîner une attitude de repli, d’isolement. Dans ce contexte, la cellule familiale va se trouver fragilisée car elle va devoir fonctionner différemment. Cette situation peut entraîner conflits et incompréhensions car le patient se coupe de ses proches, lesquels ne comprennent pas, se sentent rejetés ou n’étant pas à la hauteur.
Cette situation est néfaste pour la famille et pour le patient qui s’enferme petit à petit dans un tête à tête avec sa douleur (duquel il ne pourra sortir vainqueur).
Les tensions familiales favorisent l’accroissement des douleurs car elles augmentent l’anxiété, le sentiment de culpabilité etc.
Celui du patient qui fait tout partager à ses proches, attendant d’eux soulagement, compréhension, apaisement et surtout endurance !!
Celui-ci a un besoin insatiable d’être materné, rassuré et ne peut garder pour lui les ravages qu’occasionne sa situation.
Colère, agressivité, irritabilité, impatience vont être déversées quotidiennement sur son entourage avec un grand sentiment de culpabilité lequel le rendra encore plus fragile et donc plus sensible aux effets de la douleur.
En d’autre terme, celui que l’on connaissait depuis des années devient un autre que l’on ne reconnaît plus et qui fait grandir en nous un sentiment immense d’impuissance et de peur de ne pas retrouver l’équilibre perdu.
Être à bonne distance, voici une des clefs de ces situations.
Dans toute relation, qu’elle soit amoureuse, amicale ou filiale, trouver la bonne distance vis-à-vis de l’autre permet de ne pas s’envahir mutuellement et d’ainsi pouvoir continuer à aimer sans mettre en péril son équilibre interne.
Lorsque la douleur s’invite dans un couple ou au sein d’une famille, rester à la bonne place est crucial mais revient à être un funambule sur un fil. Il faut être là sans y être autrement dit, rester disponible afin de ne pas claquer la porte à la communication tout en se protégeant.
Il faut garder à l’esprit qu’on ne peut rien de plus qu’être présent, autrement dit on ne peut rien faire pour l’être aimé. Or, avoir une oreille attentive et bienveillante est déjà beaucoup.
Beaucoup de personnes se plaignent de ne pouvoir raconter tout simplement les difficultés du quotidien sans entendre en retour des formules types comme : « t’inquiètes pas ça va aller », « bats toi », « fais comme ci ou comme ça ».
Celui qui souffre sait que celui à qui il parle ne peut rien faire pour soulager sa douleur et d’ailleurs il n’attend rien de tel. Ces phrases toutes faites que l’ont dit par ce qu’on ne sait pas quoi dire d’autre ou par ce qu’on veut aider ont, en général, le résultat inverse.
Souvent, la personne s’est déjà dit tout ça ou l’a déjà entendu, alors elle se tait (au mieux) ou se met en colère avec le sentiment de ne pas être comprise et entendue. Ce type de phrase naît en général du sentiment de gêne qu’éprouve celui qui écoute, d’être dans la position du bien portant face au malade. Le proche est mal à l’aise face à l’être aimé car il pense que celui-ci attend de lui quelque chose qui pourrait le soulager. Or, il n’en est rien.
Penser ainsi fait naître un fort sentiment d’impuissance très désagréable qui conduit bien souvent à ces formules toutes faites.
On a ainsi la fausse impression d’avoir fait quelque chose, ce qui réduit notre sentiment de culpabilité à l’égard de la personne aimée mais induit une position de repli (d’isolement) de celui qui souffre avec le sentiment de ne pas être compris, entendu.
Garder à l’esprit que l’on ne peut rien pour celui qui souffre n’est pas si simple mais cela permet à l’un de pouvoir parler librement et à l’autre de se déculpabiliser et donc de se protéger.
Ainsi, on peut par exemple dire : « j’imagine à quel point cela doit être difficile pour toi, tu peux compter sur moi pour te soutenir », « je vois ce que tu endures, saches que je suis là » etc….
Cette prise de distance ne doit pas être synonyme d’abandon. Ce n’est pas par ce qu’on s’éloigne un peu de l’autre qu’on l’abandonne, qu’on le « lâche ». Au contraire, introduire cette distance que l’on peut imager comme étant un espace vide entre soi et l’autre permet que cet espace puisse se remplir de paroles, de sentiments. S’il n’y a pas d’espace, il n’y a pas de contenant pour recevoir les mots, les émotions.
Du point de vue de la dynamique familiale c’est-à-dire des échanges relationnels entre les membres de la famille, cette prise de distance, et donc cette possibilité de parler librement, évite les situations de mise à l’écart de la personne en souffrance.
Il est très fréquent, en effet, de voir des patients douloureux qui ne participent plus aux repas familiaux, s’isolent dans leur chambre etc.
Ils ont l’impression de ne plus avoir de place dans la famille ou bien d’être de mauvaise compagnie. C’est pour se protéger eux-même mais aussi leurs familles que ces patients se mettent à l’écart.
Il faut évidement éviter que cette situation se pérennise et donc induire la discussion à ce sujet.
On peut alors imaginer des aménagements du quotidien en décalant l’heure des repas en fonction des pics douloureux du patient ou de son état de fatigue ; mettre en place des courts moments avec les enfants autour d’une activité non bruyante…
L’important est que la personne en souffrance puisse avoir des moments de calme et de repos et des moments avec sa famille où elle pourra continuer à jouer son rôle (de père, de mère).
Se faire aider…
Enfin, il est important qu’il/elle puisse consulter un(e) psychologue afin de soulager le conjoint, la famille, de la souffrance morale qui accompagne souvent la douleur.
Cet espace de parole est aussi un contenant, pour reprendre l’image précédemment évoquée pour accueillir les questionnements, les plaintes, les sentiments de découragement etc.
Il est souvent difficile d’initier cette demande de prise en charge psychothérapique car la plupart du temps pour le patient douloureux, le raccourci «c’est dans la tête» s’impose. Vous pouvez alors expliquer que la souffrance ressentie est bien physique mais que ses effets, au quotidien, peuvent affecter le moral.
Parler, surtout à quelqu’un qu’on ne connaît pas, qu’on ne risque pas de heurter, de blesser, soulage. C’est aussi simple que ça.
Vous avez la possibilité d’en discuter avec son médecin afin qu’il vous aide à ce que votre proche puisse accepter l’idée d’aller consulter un(e) psychologue.
Sachez que les consultations du Réseau Prévention Mains sont gratuites et que vous pouvez, vous aussi, nous solliciter.