Aspects psychologiques
Article publié le 19 mars 2014
Par Sabrina Lomel – Psychologue Coordinatrice au Réseau Prévention Main IdF
Préservons nos mains
Certains y lisent l’avenir, d’autres devinent la personnalité de l’individu dans le soin qu’il y porte, quelques uns ne les considèrent que comme des outils, quelques unes comme un atout de séduction majeur. Pourtant, spontanément on a tendance à les oublier, à ne pas les penser consciemment. Sûrement car elles sont primordiales. Nos mains.
Si l’on fait un effort de mémoire on a, toutes et tous, le souvenir de la rudesse et de la force des mains d’un père, d’un grand père, la douceur et l’odeur des caresses de celles de notre mère. Elles nous ont portées, nous ont guidées, soutenues, nourries, chatouillées, aimées.
En d’autre terme les mains de nos proches nous ont construites en éveillant nos sens. Et dans ce mouvement réciproque de dialogue qui fonde l’être humain dans son rapport au monde, nous leurs avons répondues.
D’abord en les mettant à la bouche pour pallier au sein et au réconfort maternel puis, en jouant pour découvrir, en tapant pour s’exprimer, en faisant coucou pour communiquer.
D’une manière générale, les accidents de la main sont potentiellement graves, sur les plans : médicaux, sociaux, psychologiques. Il arrive souvent, heureusement, qu’un patient venant de perdre son annulaire, son index, parfois même les deux, suive un chemin satisfaisant sur les trois plans évoqués ci-dessus.Néanmoins, le chemin de la convalescence est long. En même temps que s’opère la cicatrisation physique, le patient doit dépasser le stress post traumatique générer par l’accident puis, faire le deuil de son ancienne main et se réapproprié la nouvelle.
Ce travail va de paire avec celui du kinésithérapeute. Permettre au patient de remobiliser sa main pour des gestes simples, lui montrer que bien que différente, elle continue de répondre et d’être un outil, facilite sa réappropriation et de fait, sa réinscription dans le schéma corporel.
Lorsque la main est gravement blessée…
…lorsqu’il y a amputation, outre le stress post traumatique lié à l’accident, le patient va être confronté a un deuil beaucoup plus complexe : celui de la fonctionnalité de sa main mais aussi celui de la valeur symbolique particulière qu’il a acquise des son plus jeune age.
Véritable « coup de tonnerre dans le ciel serein », l’accident est un événement aléatoire auquel le sujet n’est pas préparé, sur lequel il ne peut exercer aucun contrôle et qui est dommageable pour sa personne. Lors de cet événement, l’appareil psychique va jouer le rôle d’un groupe électrogène. Il va mettre en sourdine une partie de son système, celle des affects et des représentations, pour permettre au sujet de continuer d’agir mais de manière adapté. Et dans un premier temps, la priorité va au corps.
Les patients vont alors se découvrir héroïque. Majoritairement ils ne perdront pas connaissance et seront capable de ramasser leur doigt, parfois même de rassurer l’entourage et d’avoir des gestes adaptés à la situation.
Dans un deuxième temps…
…une fois que la situation est stabilisée, que le corps est pris en charge, l’appareil psychique va recouvrer l’ensemble de son fonctionnement et le patient va se trouver confronter au retentissement psychologique de l’accident : Le Stress Post Traumatique.
Il s’agit d’un ensemble de symptôme qui atteste d’un certain équilibre psychologique. C’est un processus normal qui permet en quelque sorte de digérer l’accident.
On va retrouver :
- une dépressivité normale
- des troubles du sommeil (difficultés d’endormissement, ou réveils nocturnes)
- des cauchemars
- des ruminations (« Et si j’étais partie 5 minutes plus tôt ? », « J’aurais dû faire plus attention », « Pourquoi ça m’arrive a moi ? » etc.), des flashs backs (reviviscence de la scène traumatique au cours de la journée).
Si tout se passe bien (ce qui est le cas pour une grande majorité de patient), pour d’autres, les choses se compliquent. Le Stress Port Traumatique cède la place à un syndrome post traumatique, une dépression, des conduites à risque, une pathologie douloureuse chronique.
Il est très difficile de prévoir la tournure que va prendre un tel accident.
Un traumatisme vient toujours sur les traces d’un précédent, un deuil non résolu, une problématique d’abandon, une séparation… Cet accident peut être la goutte d’eau qui va faire déborder un vase déjà bien plein. Aussi, avant de pouvoir faire le deuil d’une main et d’en accepter une autre, ces patients vont devoir régler les angoisses et/ou souffrances que l’accident est venu réveiller.
C’est en repositionnant ces patients dans leurs histoires que nous les accompagnons au Réseau Prévention Main c’est-à-dire en prenant en compte tous les aspects de leur vie, leur parcours, leur famille, leur travail. Ce faisant nous les aidons à prendre conscience des effets de l’accident, du handicap au-delà de leur corps.